J’ai eu l’occasion de pratiquer les deux approches et je pense que chacune présente des avantages. Selon la situation, une approche sera plus adaptée qu’une autre.
L’approche par les flux est plus rapide et elle permet de démarrer avec des élèves qui n’ont pas de connaissances particulières en droit (notion de patrimoine en particulier).
L’approche patrimoniale nécessite un détour pédagogique (présentation du bilan, du compte de résultat, notion de patrimoine) mais elle permet ensuite d’aller plus loin. Elle permet en particulier de mieux comprendre les écritures d’inventaires qu’il est difficile de justifier en termes de flux. De plus, elle permet de « préparer le terrain » pour d’autres disciplines, en particulier l’analyse financière. Il est en effet délicat d’enseigner l’art d’analyser des comptes annuels à des étudiants qui ne maitrisent pas correctement leur contenu ….
Le choix de la méthode adaptée repose donc en grande partie sur les objectifs poursuivis : si on cherche juste à former des personnes capables de comptabiliser des factures ou des opérations courantes, l’approche par les flux est certainement la plus efficace. En revanche, si on souhaite faire comprendre les mécanismes et les enjeux de la comptabilité, l’approche patrimoniale me semble supérieure.
Une tentative de synthèse
En fait, je ne pense pas qu’il existe une méthode miracle qui fonctionne avec tous les étudiants : chaque élève apprend à son rythme et à sa façon (lois de l’apprentissage de Skinner). Ainsi, pour augmenter les chances de compréhension des mécanismes comptables par les étudiants, il me semble judicieux de leur proposer les deux approches. Le choix d’une méthode n’est donc pas un choix absolu et exclusif, mais seulement le choix d’une dominante.
Mon approche
Ma préférence va à l’approche patrimoniale qui permet des travailler les liens avec les autres disciplines de la gestion financière et d’atteindre des objectifs plus élevés que l’approche par les flux.
Je commence donc par présenter les notions de bilan et de compte de résultat aux étudiants. Pour illustrer mon propos, je dresse le « bilan » d’une étudiante en listant les éléments de son patrimoine : un scooter, un ordinateur, un compte en banque, de l’argent liquide … mais aussi un prêt étudiant à rembourser.
Puis nous étudions le même bilan une année après : le scooter et l’ordinateur ont perdu de la valeur et le prêt a été partiellement remboursé. L’étudiante a financé ses dépenses grâce à l’argent de poche versé par ses parents et à des baby-sittings.
J’introduis ainsi les notions de patrimoine, d’enrichissement, d’appauvrissement et de résultat. J’insiste sur la différence entre le résultat et la trésorerie :
- le montant du compte bancaire a diminué mais le patrimoine net a augmenté (remboursement de l’emprunt)
- la perte de valeur du scooter et de l’ordinateur ne correspondent pas à des décaissements.
Cette première partie est assez longue mais, une fois ces notions maitrisées, il est assez facile de les transposer aux données d’une entreprise.
Les opérations classiques sont alors abordées à travers leur impact sur le bilan et le compte de résultat (achats, ventes, investissements, …). A ce stade, je n’adhère pas à la méthode communément pratiquée qui consiste à présenter les opérations d’achats et de ventes comme des augmentations et diminutions du stock. Je considère en effet qu’il est extrêmement difficile de rectifier par la suite cette représentation erronée.
Je préfère présenter dans un premier temps des achats et ventes qui ne génèrent pas de stockage (activité de services). Puis, une fois que la notion de charge est maitrisée, je précise que, par convention et dans un but de simplification, les achats de matières premières et de marchandises sont considérés comme consommés dès leur achat et donc enregistrés en charges. Je rajoute que la régularisation des matières non consommées (donc stockées) a lieu à la clôture des comptes.
Enfin, je présente le fonctionnement des comptes, leur numérotation et les termes de débit et de crédit. C’est à l’issue de cette que j’introduis l’analyse par les flux en la présentant comme une alternative possible pour les étudiants qui n’ont pas accroché à l’approche patrimoniale. Je commence par les opérations générant un mouvement de trésorerie en expliquant qu’un décaissement est toujours un moyen (une ressource) et un encaissement un but (un emploi). Je conseille de commencer par placer le compte de trésorerie du bon côté et d’équilibrer ensuite l’écriture. Pour les opérations à crédit, je conseille de commencer par présenter l’écriture comme si l’opération avait eu lieu au comptant, puis de remplacer le compte de trésorerie par une créance ou une dette.
Une alternative : l’approche par la modélisation
Une étude très intéressante menée au sein de l’IUFM d’Aix-Marseille recense les différentes approches possibles de la comptabilité. Ils indiquent une autre voie possible : celle de l’approche par la modélisation.
Celle-ci consiste à étudier d’abord les mécanismes économiques et financiers en jeu au sein d’une entreprise avant d’aborder leur modélisation comptable.
Cette approche me semble présenter un potentiel important même si le détour pédagogique est long. J’ai donc l’intention de la tester à la rentrée prochaine et j’ai commandé un support pédagogique nouveau : le jeu « la marée fraternelle » édité par le Grapfig (je suis en effet une fervente partisane d’une approche ludique des enseignements).
Dans l’attente, si certains parmi vous ont eu l’occasion de pratiquer cette approche, merci de laisser un commentaire ou de me contacter par mail (lien « contacter l’auteur »).